L’habitat au Sénégal en crise :
Face à une croissance démographique urbaine élevée et une situation économique encore fragile, l’urbanisation du Sénégal est impactée par un déficit de logements, un niveau d’infrastructures très faible et par une planification urbaine erratique qui menacent les grands équilibres sociaux, économiques et environnementaux. L’offre en logement des rares organismes HLM ou des promoteurs privés ne propose pas de produits abordables pour plus de 70% de la population. Pour ces opérateurs, la rentabilité de ce type d’opération est jugée trop risquée, un facteur aggravant étant la rareté foncière et la spéculation, qui pénalisent les projets de logements économiques.
L’étalement urbain et la déprédation des ressources naturelles caractérisent le modèle d’habitat actuel, avec une forte pression foncière et une qualité de construction médiocre. Les modèles d’urbanisation, d’aménagement et de construction ne répondent pas aux enjeux climatiques et énergétiques, alors qu’une grande partie des zones investies sont très exposées aux aléas (inondation, érosion).
Dans le formel ou l’informel, la qualité constructive de l’habitat populaire est largement en deçà des standards. Confortés par une forte demande, les divers programmes de logements (sous forme quasi exclusive de lotissements), portés par un secteur du bâtiment peu innovant, peinent à traiter les nouveaux enjeux de transition écologique, pourtant indispensables pour garantir un développement soutenable, dans un environnement déjà très dégradé.
Un système de construction à repenser :
Le secteur de la construction continue sa transition de basculement : les techniques traditionnelles sont abandonnées au profit des techniques « modernes », souvent mal maitrisées, se révélant parfois défaillantes, coûteuses, inadaptées aux conditions climatiques et à l’agenda durable. En effet, au-delà du parpaing de ciment devenu matériau local banalisé, il n’existe pas aujourd’hui de véritables alternatives technico-économiques abordables pour les populations démunies, avec pour conséquence, la prolifération de constructions fragiles qui envahissent les zones d’extension urbaine, au détriment de la qualité, souvent de la sécurité et bien sûr, avec une empreinte carbone très dégradée.
Cette crise du mal logement est fortement liée à un manque de confiance, de compétences, de fluidité dans le secteur immobilier et d’une absence d’innovation. Alors que les visions urbaines promues par le Planificateur et les grands projets affichent une offre de logements attractive pour « tous », le système de production ne parvient pas à satisfaire une demande sociale réputée non solvable, qui représente 60 % de la population urbaine, et qui doit se résigner à investir malgré tout dans la construction, entre informel et un marché incontrôlé, avec pour conséquence un bilan environnemental, social et économique très défavorable.
L’accession à la construction abordable, résiliente et durable dans les quartiers populaires est pourtant la clé pour combler les besoins fondamentaux en logements et répondre aux ODD. Il est impératif de proposer des solutions innovantes de promotion d’habitat social qui dépassent les blocages économiques, fonciers, bancaires et techniques, afin d’élargir l’offre immobilière actuelle, principalement accessible aux trois premiers déciles de la population. D’autres enjeux majeurs sont d’améliorer la performance de l’investissement immobilier populaire, de détendre le marché locatif, d’augmenter le niveau de services de base (VRD, équipements) et de réduire la vulnérabilité climatique (notamment les inondations).
Une volonté de réformer :
En route vers l’émergence, le Sénégal est engagé dans une série de réformes majeures qui impactent directement le secteur urbain, avec en parallèle, une volonté marquée de tenir un agenda durable et résilient, dans le cadre de ses engagements internationaux. Plusieurs réformes importantes de la politique d’aménagement des territoires et de planification urbaine ainsi que des initiatives sectorielles portées par des agences d’exécution avec le soutien de Partenaires Techniques et Financiers, ouvrent de nouvelles opportunités, notamment les programmes « 100 000 logements », « Une famille un toit » et Zéro Bidonvilles » qui s’appuient sur un déblocage du foncier et des dispositifs incitatifs pour les acteurs de la filière (exonérations fiscales, fonds de garantie, primes, etc..). Lors d’un récent conseil présidentiel sur le logement, le gouvernement s’est engagé pour faciliter la mise en œuvre de cette politique ambitieuse. Par ailleurs, les Partenaires Techniques et Financiers du Sénégal se positionnent clairement sur le développement urbain durable, en parfaite cohérence avec les accords internationaux sur le climat et l’agenda durable. On note un changement de politique de financements désormais mobilisés sur des programmes multisectoriels – ou intégrés- avec une volonté affichée de soutenir les collectivités territoriales. Les récentes réformes de l’aménagement du territoire, de la loi littorale, des politiques urbaines viennent encourager une transition nécessaire du modèle d’urbanisation. On constate égalent de nouvelles coopérations entre agences sectorielles comme l’Agence National d’Aménagement du territoire, la Direction Générale de l’urbanisme et de l’Architecture, l’Office National d’Assainissement.
Cette conjoncture favorable est une opportunité pour insérer la politique de logement social dans une planification multisectorielle et intégrée du territoire. La crise sanitaire actuelle ne fait que rendre visible une situation structurelle de pénurie de logements et renforce l’urgence de trouver des solutions concrètes pour une population fragile menacée à court terme par une grande précarité. Dès lors, l’accès au logement pour tous devient un enjeu majeur pour assurer la stratégie de développement économique portée par le gouvernement du Sénégal.